À l’intérieur, dans un coin, un drôle de « nid ». Pas fait de branches, mais de vêtements. Des vêtements que je connaissais par cœur :
- son écharpe violette,
- un sweat à capuche bleu,
- un petit gilet blanc d’école.
Tous soigneusement regroupés.
Blottie au milieu, une chatte tricolore amaigrie, le ventre entouré de trois minuscules chatons qui respiraient doucement. Oslo a déposé le pull jaune près d’eux, comme la dernière pièce d’un puzzle.
Et là, tout s’est éclairé.
Ce pull n’était pas celui de l’accident, mais le deuxième, son jumeau, celui que j’avais acheté en double « au cas où ». Lina avait dû le prendre, comme le reste de ses affaires, pour installer ce nid douillet à la chatte qu’elle avait trouvée.
Ma fille venait ici en secret, apportant nourriture, eau et vêtements pour réchauffer la petite famille. Elle avait créé ce refuge sans rien dire, par pure gentillesse.
Son dernier projet, sa dernière mission d’amour, reposait là, dans ce cabanon oublié.
Quand l’amour continue de circuler
Je suis rentrée à la maison avec la chatte, les chatons, Oslo collé à nos talons, et le pull de Lina serré contre moi. J’ai improvisé un panier-nid dans le salon, juste à côté du fauteuil où elle aimait se blottir.
Quand Julien est descendu, il nous a trouvés tous rassemblés autour de cette nouvelle petite famille. Je lui ai raconté en détail ce qu’Oslo m’avait montré, ce que Lina avait organisé sans que nous le sachions.
Je l’ai vu, pour la première fois depuis des semaines, caresser doucement l’un des chatons.
« Elle avait vraiment un cœur immense », a-t-il soufflé.
Les jours suivants, nourrir la chatte, surveiller les chatons, les voir grandir est devenu notre nouveau rituel. Un fil minuscule mais solide, qui nous raccrochait à la vie.
Le soir, je me suis enfin décidée à entrer dans la chambre de Lina, à nouer son bracelet inachevé autour de mon poignet, à ouvrir son carnet de tournesols… et à sourire, timidement, à travers les larmes.
Les chatons, le chien, la chatte rescapée : ce n’étaient pas des remplaçants, ni un miracle effaçant la douleur. Mais c’était un prolongement de son cœur, une preuve que sa douceur continuait d’agir dans notre maison.
Et cette nuit-là, pour la première fois depuis son départ, j’ai dormi sans cauchemar, avec une certitude apaisante : même quand tout s’écroule, l’amour trouve toujours un chemin, et la force de continuer après un deuil naît parfois des plus petits gestes.
