Marie France : Selon vous, il est plus facile d’être une femme fidèle que d’être un homme fidèle. Pourquoi ?

Maryse Vaillant : Contrairement à nous qui résistons souvent à la tentation de l’adultère du fait de notre construction psychologique et de notre éducation, la fidélité est un défi pour les hommes. La raison tient au fait que, même s’ils essaient de rester dans le rang, ils sont si souvent habités par la crainte de ne pas être viril qu’ils ont du mal à se calmer. C’est un peu comme s’ils avaient en permanence besoin de se rassurer.

Estimer que les femmes sont « naturellement » fidèles, n’est-ce pas un peu simpliste ?

Je suis persuadée qu’il y a dans le mot « femme » et dans le mot « fidélité » une espèce d’accord implicite, une harmonie secrète. J’assume d’autant plus ce discours que, issue de la génération soixante-huitarde, j’ai moi-même voulu goûter à la liberté des hommes en privilégiant très longtemps le désir. Mais c’est un fait, et ma pratique clinique me le confirme : alors que les femmes ont du mal à tromper, notamment par culpabilité, les hommes, eux, ont souvent du mal à se satisfaire d’une seule femme.

À quoi est dû ce besoin d’infidélité ?

Il tient à deux raisons: la spécificité de leur construction identitaire et le parcours de vie de propre à chacun. Entre donc en jeu une histoire de « genre » – c’est-à-dire un rapport particulier au désir et à la peur de la castration –  qui amène nombre d’entre eux à s’imaginer que « les vrais hommes ne s’attachent pas et ne sont jamais dépendants ». Mais aussi l’histoire personnelle de chacun, à savoir le lien établi avec la mère, le père, les bandes de copains…  Ainsi, il n’est pas rare que, s’étant sentis soumis ou humiliés durant l’enfance ou l’adolescence, certains tentent, à l’âge adulte, de se s’approprier une virilité en collectionnant les aventures.

Rester fidèle est donc un défi pour chacun d’entre eux ?

Je crois que les hommes peuvent être fidèles sur le tard, lorsqu’ils sont devenus vraiment eux-mêmes, qu’ils se connaissent bien et ne cherchent plus à démontrer quoi que ce soit. Mais tant qu’ils sont habités par la peur de perdre, le besoin de paraître ou d’être devancés par les autres mâles, cela leur est extrêmement difficile.

Les hommes d’aujourd’hui sont-ils moins fidèles que ne l’étaient nos pères ?

Non. Les hommes ont toujours trompé leur femme plus ou moins discrètement et ils continuent de la même façon. Idem en ce qui concerne la manière dont ils vivent l’adultère : il y a toujours ceux qui sont malades comme des bêtes parce qu’ils ont trompé leur femme une fois. Et ceux qui trompent à tour de bras sans éprouver la moindre culpabilité… Si l’évolution des mœurs a joué un rôle dans les histoires d’adultère, c’est surtout à la faveur des femmes. Elles s’autorisent désormais un peu plus à passer à l’acte quand, dans le passé, elles se contentaient de tromper en pensées…

Vous distinguez, deux catégories d’hommes adultères. Le premier est le monogame infidèle. Qui est-il ?

Il s’agit évidemment d’une caricature, mais il n’en reste pas moins que cette figure est assez représentative de la manière dont certains hommes vivent l’infidélité. Le monogame infidèle apparaît souvent comme un époux parfait pour son entourage. Et pour cause : il se dit amoureux de sa femme et, malgré ses aventures extraconjugales chroniques, penser au divorce est pour lui inenvisageable. Mais s’il considère le mariage  comme un pacte social et généalogique fondamental, il est aussi intimement persuadé qu’avoir des liaisons est de l’ordre du normal. Non parce qu’il s’ennuie. Juste parce qu’il est nécessaire d’« agrémenter » son ordinaire pour pérenniser son couple.

Et qui est le « polygame fidèle »?